Le nouveau congé parental annoncé dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2026 marquera une évolution majeure du droit à la parentalité en France.
Plus court que le congé parental actuel, mais nettement mieux indemnisé (jusqu’à 70 % du salaire net), il sera ouvert aux deux parents et non transférable, afin d’encourager une répartition plus équitable des responsabilités familiales.
Prévue pour une entrée en vigueur au 1er juillet 2027, cette réforme impose aux DRH et services RH de revoir leurs dispositifs internes : gestion des absences, paramétrage SIRH, communication managériale, égalité professionnelle.
Un chantier technique, certes, mais aussi culturel : celui d’une nouvelle vision de la parentalité au travail.
Un dispositif au service de l’égalité professionnelle
Le nouveau congé parental s’inscrit dans une logique de transformation sociale profonde : il ne s’agit plus seulement d’accorder du temps aux jeunes parents, mais de favoriser une répartition plus équilibrée des responsabilités familiales et professionnelles.
Le gouvernement assume cette orientation : la réforme vise explicitement à corriger le déséquilibre persistant entre les femmes et les hommes face à la parentalité.
Une réforme pensée pour impliquer davantage les pères
Actuellement, environ 14 % des mères recourent au congé parental, contre à peine 1 % des pères.
Ce déséquilibre repose en grande partie sur une réalité économique : les indemnités du congé parental actuel sont trop faibles pour inciter les deux parents à s’arrêter simultanément.
Le nouveau dispositif entend changer la donne, avec une indemnisation portée à 70 % du salaire net le premier mois, puis 60 % le second.
Autre changement majeur : le congé devient non transférable.
Chaque parent disposera de son propre droit, non cessible à l’autre, afin d’encourager une prise équilibrée du congé et d’éviter que la charge du soin ne retombe encore sur un seul parent.
L’exécutif espère ainsi atteindre 25 % de pères bénéficiaires d’ici 2028, un objectif réaliste mais ambitieux.
Un signal adressé aux entreprises
Pour les entreprises, cette réforme ne se résume pas à une contrainte administrative : c’est un test de maturité culturelle et managériale.
Les organisations les plus avancées sur la parentalité – celles qui ont déjà intégré le sujet dans leur politique d’égalité professionnelle – verront dans ce dispositif un levier de fidélisation et d’attractivité.
La génération montante des salariés, plus attentive à l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle, y verra un marqueur d’engagement.
Favoriser le recours au congé par les deux parents, c’est aussi envoyer un signal fort : l’égalité réelle passe par l’égalité des absences.
Les directions RH qui sauront anticiper et valoriser cette réforme ne se contenteront pas d’appliquer la loi : elles deviendront des acteurs clés de la transformation sociale à l’œuvre dans le monde du travail.
Ce que les DRH doivent anticiper concrètement
| Mise à jour des référentiels internes | Règlement intérieur, procédures d’absence, livret d’accueil. |
| Adaptation des outils RH | Création d’un code d’absence dans le SIRH, paramétrage paie et DSN. |
| Coordination interservices | RH, paie et informatique doivent travailler ensemble dès 2025. |
| Gestion des absences longues | Plan de remplacement, passation et entretien de reprise à formaliser. |
| Communication interne | Informer clairement managers et salariés des nouvelles règles. |
| Accompagnement managérial | Former les responsables à gérer le départ et le retour de congé. |
| Politique de parentalité | Inscrire cette réforme dans une stratégie d’égalité et de fidélisation. |
Au-delà de son ambition sociale, le nouveau congé parental aura un impact opérationnel considérable pour les entreprises. Dès 2025, les directions des ressources humaines devront préparer l’intégration de ce dispositif dans leurs processus internes. Entre gestion administrative, paramétrage technique et accompagnement managérial, la réussite de cette transition dépendra de l’anticipation.
Réorganisation RH et mise à jour des procédures
L’instauration d’un nouveau droit à congé impose une révision complète des référentiels RH. Il faudra d’abord adapter les documents internes : règlement intérieur, livret d’accueil, procédures de demande d’absence et communication sociale. Le salarié devra prévenir son employeur au moins un mois avant le début du congé, sur un modèle proche du congé paternité actuel.
Côté outils, les ajustements techniques seront incontournables : création d’un code d’absence spécifique dans le SIRH, mise à jour des paramètres de paie pour gérer la subrogation et les indemnités journalières, et adaptation de la Déclaration Sociale Nominative (DSN) avec un futur code d’événement dédié. Ces modifications peuvent paraître mineures mais nécessitent une coordination entre services RH, paie et informatique, voire avec les éditeurs de logiciels.
Les services RH devront aussi penser à la traçabilité des absences et à la bonne articulation du congé de naissance avec les congés maternité, paternité et parentaux existants. Une vigilance particulière sera de mise pour éviter les chevauchements de périodes et les erreurs d’indemnisation.
Continuité d’activité et gestion des remplacements
Ce nouveau droit d’absence, d’une durée potentielle de deux mois par parent, pose un défi de planification. Certaines équipes devront faire face à des absences simultanées de deux collaborateurs, en particulier dans les petites structures. Les entreprises devront anticiper ces situations en identifiant les postes clés susceptibles d’être concernés et en prévoyant des plans de remplacement ou de réorganisation temporaire.
La mise en place d’un dispositif de transmission des dossiers avant départ sera essentielle pour limiter les ruptures d’activité. Certaines entreprises choisissent déjà d’instaurer un entretien de passation systématique et un plan de succession court terme afin de maintenir la continuité du service. C’est aussi une occasion d’encourager la polyvalence et la montée en compétences des équipes internes.
Communication interne et accompagnement managérial
L’efficacité du dispositif reposera largement sur la qualité de la communication interne. Les services RH devront informer clairement les collaborateurs et les managers des conditions d’accès, de la durée et du niveau d’indemnisation du nouveau congé. Une note interne ou une mise à jour du guide du salarié devra expliciter les démarches et délais.
Les managers devront, de leur côté, être sensibilisés à la gestion de ces absences longues : comment anticiper le départ, maintenir le lien pendant le congé et organiser le retour. Un entretien préalable au départ puis un entretien de reprise peuvent devenir de bonnes pratiques à systématiser.
Enfin, l’entreprise a tout intérêt à inscrire cette réforme dans une politique globale de soutien à la parentalité : cela valorise son image d’employeur responsable et renforce la cohésion interne.
Enjeux juridiques et budgétaires pour les entreprises
La création du nouveau congé parental ne modifie pas seulement les pratiques internes : elle engage aussi les entreprises sur le terrain du droit et de la gestion financière. Les DRH devront anticiper ses implications en matière de conformité, de protection des salariés et de pilotage budgétaire.
Un cadre juridique protecteur et contraignant
Le nouveau congé parental est un droit individuel, non soumis à l’accord de l’employeur. En d’autres termes, dès lors que le salarié remplit les conditions légales, l’entreprise ne peut pas refuser la demande. Ce principe de droit impose aux services RH de revoir leurs modèles de validation d’absence et leurs circuits de signature, afin d’éviter tout blocage administratif assimilable à un refus déguisé.
Pendant le congé, le contrat de travail est suspendu, mais non rompu. Cette période est assimilée à du temps de travail effectif pour le calcul de l’ancienneté, des droits à la retraite et de certains congés payés. Toute décision défavorable fondée sur l’exercice de ce droit (refus d’augmentation, retard de promotion, non-renouvellement de contrat) pourrait être qualifiée de discrimination indirecte liée à la parentalité.
Les employeurs devront également veiller à garantir la protection contre le licenciement pendant et à l’issue du congé. Le code du travail prévoit déjà une protection spécifique pour les congés maternité et paternité ; le nouveau congé parental devrait s’y ajouter, avec des sanctions pénales en cas de manquement.
Un coût direct limité, mais des impacts organisationnels réels
Sur le plan financier, la bonne nouvelle est que l’indemnisation sera assurée par la Sécurité sociale, sur le modèle des indemnités journalières de maternité. L’employeur n’a donc pas à verser directement le salaire pendant la période d’absence, sauf s’il choisit de pratiquer la subrogation, c’est-à-dire d’avancer le paiement avant remboursement par la CPAM.
Certaines conventions collectives pourront toutefois prévoir un maintien partiel ou total de la rémunération, ce qui impliquera un coût supplémentaire pour l’entreprise.
En revanche, les coûts indirects seront bien réels. Recrutement de remplaçants temporaires, formation accélérée, réorganisation des plannings, surcharge de travail sur les équipes restantes : ces effets collatéraux devront être anticipés dans le budget RH. Pour les PME, l’enjeu est d’autant plus fort que deux collaborateurs d’un même service pourront s’absenter en parallèle.
Une opportunité de pilotage et de transparence
Cette réforme invite enfin les entreprises à renforcer leur gouvernance RH. Intégrer le nouveau congé parental dans les rapports sociaux et environnementaux, les bilans égalité professionnelle ou les indicateurs BDES permettra d’en suivre l’impact concret.
Au-delà du respect de la loi, une communication transparente sur les pratiques internes de soutien à la parentalité peut aussi devenir un atout de marque employeur. Les entreprises les plus exemplaires sauront transformer cette contrainte réglementaire en signal positif, au service de leur politique d’égalité et de responsabilité sociale.
| Nature du droit | Droit individuel non opposable par l’employeur (conditions légales requises). |
| Effet sur le contrat | Contrat suspendu ; période assimilée à du travail effectif pour l’ancienneté et certains droits. |
| Protection | Risque de discrimination indirecte en cas de traitement défavorable ; protection renforcée. |
| Indemnisation | IJSS versées par la Sécurité sociale ; maintien éventuel selon la convention collective. |
| Subrogation | Option d’avance par l’employeur puis remboursement CPAM ; process paie à cadrer. |
| Coûts pour l’entreprise | Coûts indirects : remplacements, formation, réorganisation, charge sur équipes. |
| Pilotage & reporting | Indicateurs BDES/égalité, suivi des absences, communication interne transparente. |
Entre réforme et opportunité : repenser la parentalité en entreprise
Le nouveau congé parental agit comme un révélateur. Derrière la réforme technique, il oblige les entreprises à repenser leur culture managériale, leurs pratiques RH et leur conception même de l’égalité professionnelle. C’est un levier d’image, mais surtout de transformation organisationnelle.
1. Formaliser une véritable politique de parentalité
Faire de la parentalité un sujet stratégique passe par une intégration claire dans la politique RH.
Quelques axes à structurer :
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Création d’une charte interne de la parentalité, visible et partagée ;
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Désignation de référents RH ou QVT chargés d’accompagner les futurs parents ;
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Mise à jour des procédures d’absence et de reprise : délais, formulaires, interlocuteurs ;
-
Alignement avec les accords égalité professionnelle et qualité de vie au travail (QVCT) ;
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Prévision d’un calendrier de sensibilisation managériale annuel.
Cette cohérence globale permet d’éviter les traitements inégaux et de sécuriser les pratiques en cas de contrôle.
2. Outiller les managers pour accompagner efficacement
Le rôle du manager devient central. Il doit savoir préparer le départ, maintenir le lien et faciliter le retour.
Pour cela, l’entreprise peut :
-
Fournir une trame d’entretien préalable au départ (objectifs, passation, priorisation des tâches) ;
-
Encourager un contact ponctuel pendant le congé, à la demande du salarié ;
-
Mettre en place un entretien de reprise structuré (bilan, accompagnement, perspectives) ;
-
Former les encadrants aux biais liés à la parentalité pour éviter la mise à l’écart involontaire ;
-
Garantir une progression professionnelle fluide après le retour, avec un suivi à 6 et 12 mois.
3. Relier la parentalité à la marque employeur
La réforme offre un levier de différenciation RH.
Une entreprise qui assume une politique claire de soutien à la parentalité gagne :
-
En attractivité (surtout auprès des jeunes talents) ;
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En fidélisation (réduction du turnover post-congé) ;
-
En crédibilité RSE (parité, bien-être, inclusion réelle et mesurable).
Mais attention : la communication doit suivre la pratique. Les promesses visibles sur les pages carrières doivent correspondre à l’expérience réelle vécue par les salariés.
Exemples concrets : temps de réponse garanti aux demandes de congé, accompagnement individualisé, visibilité des droits sur l’intranet RH.
4. Piloter et mesurer les effets de la réforme
Les indicateurs de suivi sont essentiels pour piloter et ajuster la politique parentale.
Quelques KPI utiles à suivre :
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Taux de recours au congé, par genre et catégorie professionnelle ;
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Taux de retour à poste équivalent et progression de carrière à 12 et 24 mois ;
-
Délai moyen de remplacement et coût des absences ;
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Résultats d’un mini-baromètre interne auprès des bénéficiaires et des managers.
Ces données objectivent les progrès, évitent les biais de perception et renforcent la crédibilité des bilans égalité et QVCT.
5. Expérimenter avant de généraliser
Comme pour toute réforme RH, la clé du succès réside dans le test.
Les directions peuvent :
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Lancer un pilote sur un service ou une filiale ;
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Formaliser les process administratifs (demande, validation, paie, communication) ;
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Identifier les points de friction et les bons réflexes ;
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Industrialiser le tout dans un kit interne : modèles d’e-mails, FAQ salariés, trame d’entretien, fiches managers.
Un déploiement progressif, documenté et évalué vaut mieux qu’une application simultanée et désordonnée.
Check-list pour les DRH — 6 actions à lancer dès 2025
- Auditer les conventions collectives et accords internes
Identifier les dispositions existantes (maintien de salaire, subrogation, congés familiaux) et vérifier leur cohérence avec la future loi. - Planifier les évolutions SIRH et paie
Créer un nouveau motif d’absence, adapter la DSN, tester les paramétrages d’indemnisation et les flux avant l’entrée en vigueur. - Former les équipes RH et les managers
Sensibiliser aux nouvelles obligations, à la gestion des absences longues et aux risques de discrimination indirecte. - Communiquer auprès des salariés
Mettre à jour la politique de parentalité, diffuser une note interne claire et proposer une FAQ simplifiée sur l’intranet RH. - Simuler les impacts organisationnels et budgétaires
Évaluer les scénarios d’absence simultanée, les besoins de remplacement et les coûts indirects pour ajuster le budget 2026. - Suivre et valoriser la démarche
Mettre en place un tableau de bord de suivi (taux de recours, retours à poste équivalent, satisfaction) et valoriser la démarche dans le rapport égalité professionnelle.