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La responsabilité territoriale des entreprises (RTE)

 

 

Dossier mis à jour le 8 février 2024

 

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La crise du recrutement et la croissance du nombre de démissions ne révèlent pas seulement un nouveau rapport de force sur le marché du travail en faveur des salariés, mais bien une mutation de notre rapport au travail.

 

En pleine crise du pouvoir d’achat, on observe une inversion des préférences entre le salaire et le temps libre. Alors qu’en 2008, seulement 37 % des Français préféraient gagner moins d’argent pour avoir plus de temps libre, ils sont aujourd’hui 60 % à exprimer cette préférence.

 

Ces transformations affectent le travail lui-même. Quand on interroge les salariés intéressés par les modèles de l’économie sociale et solidaire (ESS), c’est le sens donné à son travail et le sentiment d’être utile à la société qui ressortent à 48 % (étude IFOP, novembre 2022). La crise du travail comprend donc bien une crise de sens, ce dont témoigne notamment le mouvement de la « grande désertion » qui touche les jeunes diplômés. Il serait par ailleurs illusoire de n’y voir qu’un phénomène concernant les Français « qui vont bien ». Les difficultés de recrutement dans les secteurs de la restauration, du tourisme, de la santé, du social, etc., montrent que toutes les catégories d’emploi sont concernées.

 

Dans le même temps, sous l’effet conjugué de la pandémie de Covid-19, du réchauffement climatique et de la crise de l’énergie, nous assistons à une réorganisation des chaînes de valeur. C’est un tournant qui s’opère d’abord au niveau local et auquel les entreprises sont sommées de répondre. Alors qu’il était admis depuis longtemps qu’elles devraient se réformer sous la pression de consommateurs devenus responsables, ce sont en réalité d’abord leurs collaborateurs actuels et potentiels qui les poussent au changement. Les aspirations accrues en faveur du cadre de vie, du sens et des relations de travail fondent un nouveau rapport à l’entreprise. Ce n’est pas un hasard si la Conférence internationale du travail vient de consacrer sa 110e session à la contribution de l’ESS au travail décent, le huitième objectif de développement durable des Nations Unies.

 

La convergence entre les mutations du travail et le tournant local nous conduit à mobiliser la responsabilité territoriale des entreprises, notion émergente qui peut être définie comme un « entreprendre en commun et en responsabilité pour le bien commun ».

 

Alors que la RSE apparaît trop souvent comme une obligation de « reporting » centrée sur les organisations elles-mêmes, la responsabilité territoriale pose d’emblée la question de l’action collective et du changement institutionnel, ainsi que celle de la relation aux collectivités locales et aux parties prenantes extérieures. Les partenariats public-privé-ESS la mettent déjà en œuvre, comme l’illustrent les Pôles territoriaux de coopération économique (PTCE) ou les Territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD). Aujourd’hui, alors que le monde change et que ce changement s’accélère, les Français sont unanimes (96 %) à attendre des entreprises une responsabilité territoriale, 64 % la jugeant même essentielle, d’après un baromètre Harris-ESS France.

Qu’est-ce que le territoire ?

 

Terme polysémique, le territoire peut être appréhendé à partir de plusieurs dimensions : identitaire, organisationnelle et matérielle. Selon la plateforme RSE de France Stratégie, « Le territoire peut se définir comme une entité structurée par des règles collectives de fonctionnement et des formes d’autorité politique dans un espace qu’une société humaine s’approprie durablement par ses différents usages. » (Source : “Vers une responsabilité territoriale des entreprises – juillet 2018).

 

Le territoire aura différentes compréhensions « en fonction de son histoire et de ses enjeux » : territoires d’usage, territoires géographiques, mais aussi territoires virtuels.

 

Une définition générique associant les points de vue des entreprises quel que soit leur statut ou leur activité, peut cependant être énoncée :

Au-delà d’une approche géographique stricto sensu, le territoire est un bassin de vie où des intérêts et des enjeux communs se rencontrent autant sur des aspects sociaux et de partage que sur des développements communs de valeur ajoutée. C’est aussi un espace de vie et d’appartenance, un espace où l’on a la capacité d’agir et d’avoir de l’impact, un avenir partagé

Qu’est-ce que la Responsabilité Territoriale des Entreprises ?

Si la Responsabilité Sociale/Sociétale des Entreprises (RSE) est relativement bien définie, celle de la Responsabilité Territoriale des Entreprises (RTE) est plus récente et doit faire l’objet d’approfondissements.

La RSE peut se résumer comme l’ensemble des pratiques mises en place par les entreprises dans le but de respecter les principes du développement durable (social, environnemental et économique). La norme ISO 26000 en définit le périmètre autour de sept thématiques.

En 2019, la loi PACTE renforçait la RSE intégrant la considération des enjeux sociaux et environnementaux dans l’objet social même de l’entreprise d’une part et donnant la possibilité aux sociétés de se doter d’une raison d’être dans leurs statuts. La qualité de société à mission a été créé à cette occasion.

Aujourd’hui, la prise en compte des enjeux environnementaux et sociétaux impose de tendre vers un nouveau modèle de développement. La pandémie a amené une prise de conscience globale sur l’importance de la proximité et du local. La résilience économique et la réindustrialisation deviennent des priorités. La création ou le développement de nouvelles activités et d’innovations qu’elles soient technologiques ou d’usage est une nécessité.

 

Les territoires deviennent ainsi les lieux propices d’où émergeront les solutions pour répondre à ces enjeux. Entreprises et territoires sont liés pour mener cette transformation en commun. Aux notions du sociale et de l’environnemental, l’entreprise doit désormais ajouter celle du territorial.

Alors, RSE – RTE même combat ?

 

Selon le rapport de la plateforme RSE de France Stratégie, la notion de RSE implique toujours une dimension territoriale avec deux questions :

  • Comment l’action économique, sociale et environnementale d’une entreprise s’articule-t-elle avec la capacité d’action publique (collectivité locale ou État) d’un territoire ?
  • Comment contribue-t-elle, au-delà de son activité économique, aux conditions de vie de la population résidant dans le périmètre de son territoire de référence ?

Les réponses impliquent le mode de gouvernance de l’entreprise et le choix de ses priorités stratégiques et opérationnelles sous contraintes financières.

Les intérêts des entreprises pour la RTE

 

Si l’ancrage sur les territoires semble faire l’objet de prédispositions favorables chez les entreprises de l’ESS, cela peut sembler moins évident pour les entreprises conventionnelles.

Plusieurs motivations peuvent être envisagées :

 

  • Renforcer l’attractivité pour les talents et les jeunes diplômés et facilité pour les retenir
  • Réduire la dépendance aux sous-traitants et fournisseurs éloignés
  • Améliorer la mutualisation et la sécurisation des ressources présentes.
  • Obtenir des réponses sur le bon niveau de l’implication citoyenne à développer
  • Instaurer une gouvernance plus partagée et plus d’écoute de la part des acteurs publics.
  • Définir des outils d’évaluation de son impact local et trouver la bonne articulation entre RSE et impact territorial

Qu’est-ce que l’ancrage territorial ?

 

L’ancrage territorial réfère aux interactions d’une entreprise avec le territoire où elle opère, influençant sa performance économique. Cela signifie qu’une entreprise planifie de rester et de se développer là où elle est implantée en créant des ressources et en élaborant des projets communs avec ce territoire.

France Stratégie reconnaît que l’ancrage territorial est crucial pour la performance d’une entreprise car il renforce sa responsabilité envers le territoire. ESS France ajoute que les entreprises de l’ESS sont naturellement intégrées dans leur territoire, façonnant et étant façonnées par celui-ci.

Pour les entreprises, l’ancrage peut se manifester par :

  • La production locale et la consolidation d’un réseau de prestataires locaux.
  • Le développement de coopérations diverses et de projets avec les habitants.
  • Un sentiment d’appartenance et une place dans un écosystème transversal.
  • La création de liens sociaux entre divers acteurs locaux.

 

La RTE renouvelle la perspective de l’ancrage territorial, mettant l’accent sur l’impact sur le tissu local et la création de valeur durable. Les entreprises sont amenées à reconsidérer leur contribution territoriale dans un contexte socio-économique et environnemental en évolution.

 

L’intérêt de l’ancrage territorial pour l’entreprise

Les territoires bénéficient clairement de maintenir les entreprises localement, surtout si ces dernières s’harmonisent avec les ressources et besoins locaux. Pour les entreprises, un ancrage territorial fort devient un avantage stratégique, surtout dans le contexte actuel de crises sanitaires et climatiques. Cela leur permet :

  • De développer l’expertise locale et de maintenir l’emploi.
  • D’offrir du sens et de la stabilité aux salariés, favorisant l’engagement.
  • De renforcer les compétences territoriales par le codéveloppement de formations.
  • De tisser des liens avec les écosystèmes locaux et de coopérer à divers niveaux.
  • D’investir à long terme dans le territoire, consolidant ainsi la culture d’entreprise.

 

 Les défis d’un véritable ancrage

Les entreprises, pour renforcer leur ancrage territorial, doivent revisiter leur gouvernance interne pour y intégrer les parties prenantes et définir leurs priorités stratégiques en réponse aux enjeux environnementaux. En externe, une intégration dans des systèmes de gouvernance plus collaboratifs avec les acteurs locaux est nécessaire pour une co-construction efficace. La gouvernance partagée implique la construction collective d’objectifs et d’actions, s’appuyant sur des apprentissages partagés.

 

Les freins à l’ancrage territorial

ESS France souligne que, bien que les entreprises de l’ESS soient profondément intégrées dans leur territoire, cette intégration n’est pas automatique et dépend des décideurs. Les entreprises, qu’elles soient de l’ESS ou conventionnelles, doivent être attentives à des aspects tels que la concurrence, la réglementation, et les contraintes financières. Les entreprises de l’économie conventionnelle doivent également considérer les attentes variées aux échelons local, national et international.

 

Trois grandes typologies d’ancrage

  1. Le comportement prédateur, qui sert les intérêts propres de l’entreprise en exploitant les ressources locales.
  2. Le comportement de combinaison, qui enrichit les ressources territoriales par les apports spécifiques de l’entreprise.
  3. Le comportement de co-construction, engagé dans le développement de ressources spécifiques avec les institutions locales.

Les entreprises de l’ESS plus ancrées sur le territoire ?

 

« La territorialisation est façonnée par leur activité, leur logique entrepreneuriale mais est aussi influencée par leurs caractéristiques sectorielles et statutaires. En effet, les entreprises de l’ESS s’inscrivent dans des logiques sectorielles et elles sont insérées dans des marchés concurrentiels. Leurs logiques de territorialisation sont alors impactées par les évolutions dans le comportement des consommateurs, les choix stratégiques des concurrents et les contraintes de la règlementation. Ces logiques sectorielles ont un poids significatif pour les entreprises de l’ESS, leur laissant le choix entre mimétisme ou innovation.

Le rapport au territoire des entreprises de l’ESS se complexifie au cours de leur croissance et des épreuves productives qu’elles rencontrent. Lors de leur développement, elles décident de choix stratégiques qui peuvent révéler des contradictions entre la logique territoriale et la logique sectorielle. »

 

* Source : « La responsabilité territoriale des entreprises », Ed. Le Bord de l’eau (2022)

 

 

Qu’est-ce que la coopération territoriale ?

 

La coopération territoriale s’exprime par les relations denses entre acteurs et actrices avec la volonté de construire des solutions ensemble sur la base de besoins identifiés. Elle doit bénéficier à toutes les strates de toutes les structures impliquées.

 

Dans l’ESS, la coopération territoriale est l’une des composantes majeures de la dynamique de projet, notamment au regard du caractère collectif et démocratique d’une structure de l’ESS.

Ce qui fait la RTE, c’est d’entreprendre en commun à travers la coopération de l’ensemble des acteurs territoriaux. Cela suppose certaines conditions, pas forcément cumulatives mais le plus partagées possible. Il faut répondre à un besoin identifié sur le territoire, en trouver les parties prenantes et leur intérêt commun. Sachant que la coopération peut se créer sur la base de risques en commun.

  

Rôle de l’entreprise dans la dynamique d’un territoire ?

 

Les entreprises constituent un cadre-clé pour organiser des activités de production mobilisant les ressources d’un ou de plusieurs territoires. Selon les situations et les stratégies (plus que les statuts), ces ressources s’en trouvent valorisées ou négligées, régénérées ou épuisées.

 

Dans l’absolu, sur le territoire, les entreprises : 

  • Apportent, utilisent, contribuent ou épuisent de la richesse matérielle (salariés, impôts, prestataires et sous-traitants) et immatérielle (formation, savoir-faire, expertise, cadre de vie)
  • Sont créatrices d’innovation économique, sociale, technologique
  • Participent positivement ou négativement à la dynamique d’attractivité du territoire (employabilité, image, réseau, fiscalité…)
  • Contribuent à donner des moyens aux collectivités (fiscalité, conseils, partenariats) ou inversement développent des stratégies pour s’en dispenser Participent à l’animation et à la vie publique du territoire (événement, sponsoring, mécénat – de compétences, culturel… , partenariat)

Le cadre d’une bonne coopération

 

Ces points ont été développés par les entreprises au cours d’un atelier, sans clivage particulier entre entreprises de l’ESS et celles de l’économie conventionnelle. Pour une bonne coopération, il est important de : 

  • Créer un intérêt général économique + un projet partagé avec des valeurs communes
  • Définir un espace de concertation en amont pour laisser s’exprimer les attentes et les objectifs de chacun
  • Favoriser une réelle volonté de coopération, être tous d’accord sur la vision et les étapes vers le projet finalisé.
  • Obtenir une proximité de la ressource matérielle et immatérielle
  • Co-construire une gouvernance de coopération explicite.

 

 

Les freins à la coopération territoriale

 

Renforcer son ancrage à travers des projets de coopération inter-entreprises et au- delà ne tombe pas sous le sens, surtout pour les entreprises conventionnelles pour lesquelles la concurrence inhérente à l’activité entraine très souvent une posture de méfiance généralisée. Ce n’est pas le seul frein, il faut également être vigilant à : 

  • La diversité du paysage économique qui entraîne une superposition des attentes, des objectifs et des stratégies
  • La difficile capacité à partager les pouvoirs d’action et de décision
  • La difficulté à défendre un projet de coopération dans son entreprise lorsque les retours financiers sont faibles et à long terme (pression du résultat)
  • La difficulté à accepter des principes d’actions différents
  • La difficulté à évaluer et anticiper en amont, le temps nécessaire La difficulté à convaincre les parties prenantes locales
  • La méfiance face à des entreprises de taille ou/et de cultures différentes (peur du rachat, «l’ amateurisme »…)
  • La crainte de dévoiler sa stratégie de peur d’être vulnérable auprès de la concurrence
  • La difficile acceptation du principe d’égalité entre acteurs et actrices.
  • Le risque de surestimer le projet de coopération : se donner des objectifs intermédiaires réalistes et atteignables
  • Le fait d’avoir des entreprises à des niveaux de maturité différentes 

 

Leviers d’une bonne coopération

 

Comment et avec qui construit-on le processus de coopération qui va entraîner du consensus ou, au contraire, du conflit dans la dynamique de construction ?

 

  • Identifier ou favoriser l’émergence d’un animateur du territoire : un acteur ou  un collectif d’acteurs chargé de cette dynamique,
  • Trouver des dispositifs pour bloquer les entreprises prédatrices, Développer l’évaluation de son propre impact sur le territoire,
  • Définir d’autres indicateurs que les indicateurs économiques déjà connus (pourcentage de matière utilisée dans le développement du produit ; perception des bienfaits du projet par les habitants ; nombre d’entreprises locales ayant travaillé sur le ..)
  • Développer la culture de la coopération en interne, se former, Favoriser des espaces de dialogue initiés par les acteurs publics, Partir de la problématique du territoire et lancer le

 

Le rôle des acteurs publics

 

A l’instar des entreprises, les acteurs publics ayant ou non la compétence économique commencent à se questionner sur leur rôle et les actions à mettre en place en matière de RTE : des plans RSE sont créés, des éco-conditionnalités intégrées dans les appels d’offres, des dispositifs comme les PTCE (pôles territoriaux de coopération économique) encouragés et soutenus. Largement incités en cela par le corpus législatif.

Des outils existent pour insuffler plus de RSE dans les politiques publiques de développement économique mais limités et sans intégrer la notion de RTE.

Il existe bien des services et des vice-présidences au développement économique ou à l’ESS mais rien qui englobe la place, le rôle et les interactions plus globales de l’entreprise sur le territoire. Rien non plus sur des éléments de mesure du bien-être qui relève de l’intérêt général. Il existe également des politiques d’aménagement du territoire avec lesquelles un lien pourrait être fait.

De l’avis même des entreprises, il faut aller plus loin car entreprendre en responsabilité sur un territoire devient l’affaire de toutes les parties prenantes et nécessite la mobilisation de tous et toutes.

Elles souhaitent ne pas être cantonnées aux seules concertations dédiées aux entreprises mais participer aux informations publiques sur les sujets tels que les transports, la culture… Il est important pour elles d’avoir une visibilité sur les enjeux du territoire pour pouvoir s’engager.

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